Cher compatriote,
Je t’écris cette lettre pour partager avec toi mes déboires. Ma déception est si poignante que je cherche en vain les propos pouvant la qualifier. Je pense que tu fais face à la même situation. Je pense que tu as les mêmes rêves que moi pour le futur de notre terroir. Patriote-nationaliste avéré de ton état, je suis certain que tu ne laisses passer aucune seconde sans nourrir tes rêves pour le bien-être de ce peuple appauvri et meurtri par la corruption.
Ma certitude y va aussi du fait que tu ne veuilles, à aucun moment de la durée, laisser ce pays comme plus d’un. Je ne veux pas me tromper, mais… Nous avons, à peu près, le même âge. Et, tous deux, nous nous évertuons à former le caractère des jeunes que nous côtoyons tous les jours. Ne perds pas courage. Tiens ta fréquence vibratoire au top, mon vieux. Sinon, tu vas succomber face au défaitisme, au désespoir et aux discours qui te feront croire que le paradis se trouve chez les vendeurs d’armes, de minutions et d’ « évangiles ». Tout le complexe qui pourra s’emparer de toi portera sur ton âge. On te dira qu’ailleurs les jeunes de notre tranche d’âge gagnent leurs vies dignement et en toute sécurité.
C’est même trop vraisemblable comme prémisse d’un discours qui tend à nous détacher d’Hayti, notre mère-patrie ! Je te sais capable de faire le distinguo entre le vraisemblable et le vrai. Bref ! Partir ou rester pour périr par les balles assassines ? Tu choisis quoi ? Moi, je veux rester, car je comprends les enjeux géopolitiques de la gangstérisation du pays par la Société Internationale dirigée par le géant étoilé de notre continent. On ne doit pas perdre de vue les affairistes de la classe possédante et des traitres de la politique politicienne qui servent de tuyaux qui alimentent les grands axes de criminalité et de terreur de la terre-mère de la « liberté » dans sa plus sincère expression.
Ce sont ces salauds qui ont embrasé notre paradis et qui nous parlent d’un autre. Tu vois mieux que moi toute la mobilisation des Organisations Internationales qui soutiennent l’Ukraine dans sa guerre contre la Russie. On lui envoie tout ce dont elle a besoin pour riposter aux assauts de l’Armée russe. Par contre, on ne veut même pas nous vendre des matériels pour combattre les gangs dont 80% des armes proviennent des Etats-Unis d’Amérique. On somalise Hayti ; c’est la seule façon de semer la peur et le désespoir dans nos cœurs, mon frère.
Tu comprends bien le jeu de ces affairistes du business militaro-humanitaire. Je suis totalement certain que tu souffres des discours de nos neveux qui n’éprouvent aucun attachement au pays. Il faut bien qu’on leur dise que notre Hayti ne fait que subir le sort que lui jettent la Société Internationale, les compradors de la classe possédante et les politiciens éhontés. Il faut qu’on leur dise que l’amour du pays est le point de départ de tout progrès. On doit aussi leur dire que les politiciens ne sont pas les seuls haytiens, c’est une minorité. Il faut leur dire beaucoup de choses qui pourraient les convaincre de leur rôle dans la renaissance éventuelle du pays qui les a vus naître.
Je ne veux pas que tu oublies de leur dire d’imprimer dans leurs âmes l’amour de ce paradis que les salauds ont transformé en une case infernale. J’ai beaucoup à te dire, mais je ne veux pas être long. Dis à ceux qui courent après les agents de l’immigration qu’Hayti n’est pas aimée, et par ricochet, les haïtiens ne le sont pas et ne le seront jamais. La dernière fois, tu as attiré mon attention sur le fait que la précarité et l’insécurité qu’on nous administre soit le tremplin de la fuite de nos cerveaux et de la migration de nos ouvriers qui vont constituer une main-d’œuvre à bon marché en terre étrangère.
Je suis sidéré de voir combien le dernier programme humanitaire de l’Oncle Sam visant à recruter des centaines de milliers de travailleurs au Venezuela, au Nicaragua, à Cuba et en Hayti fait la une à tort et à travers. Sur le plan géopolitique, ce programme recèle la velléité d’accroître son hégémonie dans le continent. L’Amérique aux américains, disait la doctrine Monroe. Quelle absurdité !
C’est toi qui m’as rappelé la dernière que l’envoyé spécial des Nations-Unies en Hayti après le cataclysme du 12 janvier 2010, en l’occurrence l’ancien Chef d’État américain Bill Clinton, a participé à un scandale de corruption dans la gestion des fonds de la Commission Intérimaire pour la Reconstruction d’Hayti (CIRH). Aucune reconstruction ! Aucun rapport ! Des pays-amis qui nous pillent à travers les institutions néolibérales, les Organisations Non-Gouvernementales ONG).
Sachant que tu as beaucoup à faire, je laisse le restant de mes propos pour une autre occasion, frérot. J’attends ta réponse qui devra me rassurer que tu resteras avec moi pour continuer le combat tendant à bannir la nuit dans le cerveau de chacun de nos concitoyens et de nos futurs citoyens. Je te confesse que je préfère mourir ici que d’aller me faire humilier par les impérialistes racistes comme eux seuls qui expriment encore la nostalgie de l’abolition de l’esclavage par la Révolution Haytienne menée par Jean Jacques DESSALINES, le Libérateur de la race noire. Je te salue patriotiquement, camarade.
La Patrie ou la mort !
Ton frère et ami Givelt F. VILMEUS 02 février 2023