Dans un numéro spécial du journal officiel de la République d’Haïti, Le Moniteur en date du 26 novembre 2020, Jovenel Moïse publie un décret « pour le Renforcement de la sécurité publique ». A travers ce décret, d’autres actes sont constitués désormais « d’actes de terrorisme » et est institué au Ministère chargé de la Justice un Programme de protection des témoins d’actes de terrorisme, d’enlèvement, de kidnapping, de prise d’otages des personnes, et des autres infractions portant atteinte à la sécurité publique.
Depuis le dysfonctionnement du parlement le 13 janvier 2020, le président de la République ne cesse de publier des décrets. Plusieurs de ces décrets suscitent de vives critiques et beaucoup de controverses comme celui portant sur l’enseignement supérieur, le décret sur le nouveau code pénal et celui fixant les conditions dans lesquelles la CSC/CA donne un avis consultatif sollicités sur les questions relatives à la législation sur les finances publiques… Le Président Moïse semble veut continuer dans cette voie, dans un numéro spécial de Le Moniteur en date du 26 novembre 2020, il publie deux décrets ; l’un portant « Création, Organisation et Fonctionnement de l’Agence Nationale d’Intelligence (ANI) » et l’autre « Pour le renforcement de la sécurité publique ».
Selon l’article 1er du décret Pour le renforcement de la sécurité publique, « outre les actes de terrorisme prévus tant par les traités internationaux que par les Lois de la République » ces actes, ayant pour but de troubler par la terreur l’ordre et la paix publics constituent désormais des actes de terrorisme. On peut citer, entre autres, « les vols, les extorsions, les incendies, destructions, dégradations et détériorations de bien privés ou publics ; la détention, le port ou le transport illicite d’armes et de munitions ; le fait de participer à un groupement formé ou à une entente établie en vue de la préparation, caractérisée par un ou plusieurs faits matériels, d’un des actes de terrorisme mentionnés au présent article ; le fait de porter atteinte à l’intégrité de la voie publique dans son sol, ses aménagements, bornes, panneaux de signalisation, de la dégrader même partiellement ou légèrement ou d’y abandonner ou laisser tomber des déchets, des substances sales, nocives ou glissantes, dans le but de préjudicier à l’intégrité des usagers et des biens privés ou publics. »
Les personnes physiques ou morales coupables d’actes de terrorisme sont passibles d’une amende et de réclusion criminelle. En effet, l’article 2 stipule, « les personnes physiques coupables d’actes de terrorisme sont passibles de trente (30) à cinquante (50) ans de réclusion criminelle et d’une amende de deux millions (2,000,000.00) à deux cents millions (200,000,000.00) de gourdes, sans préjudice des dommages-intérêts et des autres peines prévues par le Code pénal. »
Quant à une personne morale coupable d’actes de terrorisme, elle est passible d’une amende de dix millions (10,000,000.00) à un milliard (1,000,000,000.00) de gourdes et de l’une ou de plusieurs des peines complémentaires comme, entre autres, la dissolution ; la fermeture définitive ou pour une durée de trois (3) ans au plus des établissements ou de l’un ou de plusieurs des établissements de l’entreprise ayant servi à commettre les faits incriminés ; l’exclusion des marchés publics à titre définitif ou pour une durée de trois (3) ans au plus. En sus, « l’affichage de la décision prononcée par le Tribunal et la diffusion de celle-ci soit par la presse écrite, soit par tout moyen de communication au public par voie électronique », d’après l’article 3.
Qui plus est, concernant les amendes, l’article 11 souligne que « les montants des amendes prévues au présent Décret seront périodiquement ajustés en fonction des variations du coût de la vie ou toutes les fois que l’indice officiel de l’inflation fixé par l’Institut Haïtien de Statistique et d’Informatique accuse une augmentation d’au moins de 10 pour cent (10%) sur une période d’une année fiscale ». En outre, si les montants prévus au présent Décret peuvent ajustés à la hausse, en aucun cas, ils ne seront revus à la baisse.
Lorsque l’acte est commis « par une ou plusieurs personnes physiques en charge de la protection des vies et des biens, un ou plusieurs fonctionnaires ou agents des services publics, une ou plusieurs personnes physiques ayant contrat avec l’Etat », les peines sont portées au double. Quant aux personnes morales ayant contrat avec l’Etat, lorsque l’acte est commis par une ou plusieurs de ces personnes la peine d’amende est double, rapporte l’article 12.
Pour ce qui est du port illégal d’armes à feu, l’article 5 stipule « outre les peines prévues par la Loi, toute personne coupable de port illégal d’armes à feu est passible d’un emprisonnement dont le nombre d’années correspond au nombre total de munitions retrouvées soit sur lui, soit dans les armes portées par lui illégalement, soit dans ses bagages, soit dans son véhicule ou tout autre moyen de transport à sa disposition, à raison d’une année d’emprisonnement par munition ». Toutefois, aucun article ne précise les peines d’une personne coupable de port illégal d’armes à feu sans munitions.
Par ailleurs, « un Programme de protection des témoins des infractions prévues par le présent décret et par la Loi du 22 août 2017 portant modification de la Loi du 20 janvier 2009 sur l’enlèvement, le rapt ou le kidnapping, la séquestration et la prise d’otage de personnes est institué au Ministère chargé de la Justice », précise l’article 9. Toujours selon cet article, « ce programme est financé par les dotations de l’Etat à travers le Ministère chargé de la Justice ; les quatre-vingt-dix pour cent (90%) du montant des amendes prévues par le présent Décret ; les dons et legs des personnes morales de droit public et tous autres moyens jugés conformes aux Lois de la République. »
« Le présent décret abroge toutes lois ou dispositions de Lois, tous Décrets-Lois ou dispositions de Décrets-Lois, tous Décrets ou dispositions de Décrets, actuellement en vigueur qui lui sont contraires et sera publié à la diligence du Ministre de la Justice et de la Sécurité Publique», rappelle l’article 13 en concluant.