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L’accroissement du secteur informel à Port-au-Prince: Entre survie ou entreprise

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Le secteur informel s’est accru en Haïti durant ces dernières années notamment dans la capitale. L’accroissement de ce secteur est dû en premier lieu à la situation socio-économique que connaît le pays depuis ces quatre dernières décennies. Ce qui poussent une partie de la population (des mères de famille pour la plupart) à investir les rues de la capitale pour étaler des produits qu’ils vendent à ceux ou celles qui peuvent s’en procurer. L’accroissement du secteur informel est lié aussi au libre accès des produits importés (parfois par voie de contrebande) sur un marché local de plus en plus saturé par ces derniers. Une situation qui permet au secteur informel de prendre un essor considérable à Port-au-Prince. Dans les quartiers dénommés «Ghetto», on assiste à l’entassement de petits commerces étalés sur les trottoirs, sur les chaussées, dans les corridors et même devant les taudis (petite maison mal construit)

Le secteur informel regroupe l’ensemble des activités économiques non contrôlées par les autorités étatiques et qui ne répondent pas aux normes légales en matière fiscale, sociale, juridique ou d’enregistrement statistique. En d’autre terme, ce secteur est constitué de petits commerces, des activités artisanales de transformation et de service en tous genres et tous les métiers urbains et suburbains difficile à catégoriser. Le secteur informel regroupe aussi ceux et celles qui s’adonnent au commerce ambulant (machann pwomennen).

Généralement, les activités informelles sont l’œuvre des familles de condition modeste, vivant dans des quartiers défavorisés, marginalisés, privées de logement décent, ayant dans la majorité des cas, plusieurs enfants et n’ont pas accès aux besoins primaires (eau potable, nourriture, logement décent, sécurité etc.). Ces personnes, des centaines voire des milliers, pour continuer à mener une existence plus ou moins acceptable, sont obligées de faire du commerce dans le quartier dans lequel ils vivent ou d’autres espaces appropriés à une activité commerciale où les produits de première nécessité importés sont au premier plan. Ces gens qui se lancent dans le commerce informel dans la capitale, hommes et femmes de tout âge, sont-elles dans une perspective de survie ou d’entreprise?

Survivre et entreprendre sont deux verbes d’acception complètement différente. De plus, ils ont plusieurs sens. La définition la plus répandue est celle où survivre signifie, selon Wiktionnaire, vivre encore après la perte de ce qui était important dans sa vie. Tandis que le verbe entreprendre signifie, selon le dictionnaire Larousse, commencer l’exécution d’un projet. C’est à partir de cette définition que découle le nom d’«entreprise» à une activité commerciale dépendamment de la finalité.

En Haïti, la grande majorité des gens qu’ils soient hommes ou/et femmes, jeunes ou/et vieux qui se livrent au commerce dans le secteur informel ne le font pas par parce qu’il désir entreprendre mais, ils/elles le font plutôt dans le souci de survivre. Ils n’ont aucune perspective d’avenir. Ce qui est important pour eux, c’est de rapporter quelque chose (kichòy) chez eux à la fin de la journée. Ils/elles vivent au jour le jour. Ils/elles ne font, dans la grande majorité des cas, aucune économie pouvant agrandir ou élargir leur cercle d’activité commerciale. Ce qui est contraire aux principes de base de l’entrepreneuriat.

L’entreprise, une vision basée sur le long terme

Une entreprise est une organisation humaine dont l’objectif est la production de bien ou de service destinés à un public donné dans le but de faire profit. Elle peut être individuelle ou collective dépendamment de l’objectif visé par l’acteur ou les acteurs. Le concept d’entreprise renvoie à une vision large et illimitée caractérisée par la gestion et l’innovation comme outil stratégique pour la pérennisation de l’entreprise.

La stratégie au niveau entrepreneurial est un ensemble de moyens ou d’actions prises par l’entreprise dans le but d’atteindre ses objectifs et de réaliser sa mission.

La stratégie dans l’entreprise n’est jamais homogène, il y a certainement, une stratégie globale à partir de laquelle se trouvent des sous stratégies pour chacune des fonctions de l’entreprise (Marketing, ressources humaines, opération et ressources financières) afin de mieux pénétrer le marché.

Généralement, l’entrepreneur s’accroche à une vision de l’avenir, c’est quelqu’un qui ne vit pas pour le présent mais, il profite du présent comme moyen pour penser l’avenir.

Par contre, les gens œuvrant dans le secteur informel n’ont pas, pour la plupart, une telle perception de leur activité. Ce sont des personnes des personnes de conditions très précaires qui s’attachent au quotidien pour assurer leur existence. Ces individus n’ont pas une vision qui s’appuie sur le long terme comme l’entrepreneur puisqu’ils n’ont pas l’outil réel de gestion pouvant perpétuer son activité.

La politique néolibérale comme catalyseur de l’éclatement du secteur informel dans la capitale

La politique néolibéral appliquée en Haïti pendant la période duvaliériste  a considérablement provoqué le développement du secteur informel à Port-au-Prince. Cette politique approuvée par l’État haïtien s’attaque à un secteur clé pour le développement du pays: l’agriculture.

Dans les années 80, des institutions financières internationales vont imposer au pays des mesures de redressement présentées sous trois formes:

D’abord, les mesures de stabilisation, d’assainissement des dépenses publiques;

Ensuite, les mesures de libération de l’économie;

Enfin, celles de démantèlement du système tarifaire lié au commerce.

Ces mesures ciblent essentiellement les zones rurales qui représentent le cœur de l’économie nationale. Elles ont pour conséquences la destruction massive des porcs (cochons créoles) sous prétexte de combattre la peste porcine africaine en profitant de cette mesure pour importer d’autres porcs étrangers en Haïti au détriment de la classe paysanne. Ensuite avec le slogan de libéralisation du commerce où le marché haïtien est ouvert à l’importation a tarif douaniers très réduits, l’importation s’est grandement accrue et les produits importés arrivent dans les ports de manière incontrôlée.

Puis, la privatisation ou fermeture des entreprises publiques au cours de cette même période entrave une fois de plus la situation. Dès entreprise  telles: Ciment d’Haïti, Entreprise Nationale des Oléagineux (ENAOL), La Minoterie, l’usine sucrière de Darbonne, etc. toutes ces institutions employaient des milliers de gens qui travaillaient pour subvenir aux besoins (des besoins primaires) de leur famille. Une telle décision prise, soit sous forme de fermeture ou de privatisation de ces entreprises, a occasionné en conséquence le chômage. Donc, des milliers de chômeurs. Que devront faire ces gens? Quel était les seules options qui leurs étaient présentées?

Ces personnes réduites au chômage, à la pauvreté, à la rue par la politique néolibérale approuvée par l’État haïtien ne font que mener des activités commerciales faute d’emplois. Ils/elles s’emparent de tout ce qu’ils/elles peuvent trouver sur le marché de gros pour revendre en bon détaillant qu’ils/elles sont, et qu’ils resteront. Ces activités qui paraissent à première vue comme une aubaine pour ceux qui n’ont pas trouvé d’emplois, ne font qu’enfoncer le pays dans une situation économique macabre. C’est pourquoi on va assister pendant la période des Duvalier à une migration externe où un bon nombre de paysans vont laisser le pays (sans omettre aussi qu’ils le faisaient également pour des raisons politiques) pour se rendre soit à Cuba, soit en République Dominicaine, soit aux États-Unis. Et les autres qui n’ont pas les moyens pour entreprendre de tels voyages vont se déverser dans la capitale en masse (c’est ce qu’on appelle migration interne) à la recherche d’un mieux-être.

En conclusion, le secteur informel, en tant que secteur d’activité économique, ne jouit pas d’un statut noble. Les gens qui y font partie sont des marginalisés, des opprimés, des victimes de l’État à travers sa constante politique d’exclusion de la masse paysanne. Cette politique n’a comme résultat que le déclin de l’agriculture, de l’élevage, la fermeture et/ou la privatisation des entreprises publiques contenant employant des milliers de gens qui doivent subvenir aux besoins de leur famille. Cette politique a entraîné la destruction des porcs (cochons créoles). En un mot, elle est la cause fondamentale de la décapitalisation des paysans, et ayant pour conséquence de l’exode rural. De ce fait, les milliers de chômeurs n’a autre chose comme moyen de recours que de s’intégrer dans ces activités informelles non pas dans une perspective que gagner les chaussées, les trottoirs, l’entrée des écoles publiques, des institutions publiques, des grands magasins, des églises etc. Ces activités commerciales ne se font pas, dans la plupart des cas, n’ont pas une longue durée c’est-à-dire, elles sont le résultat d’une vision construite sur le court terme, pour donner à ceux qui les mènent de quoi survivre.

Bibliographie

PONSON Bruno, SCHAAN Jean Louis, l’esprit d’entreprise. Aspects managériaux dans le monde francophone, édition John libbey, eurotext

DESPINAS Jean Yves, la pauvreté en Haïti: contexte historique et politique d’ajustement structurel, édition la rebelle, 2008

DESHOMMES Frits, Haïti, la nation écartelée. Entre « plan américain » et projet national, édition cahiers universitaires, 2006

André Bellay, Louis Dussault, Sylvie Laferté, comment rédiger mon plan d’affaire, les éditions transcontinental, 2006

CHARLES L. Cadet, crise, paupérisation et marginalisation dans l’Haïti contemporaine, édition Unicef, 1996

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