Quelle représentation font les Haïtiens de la «politique» dans le pays?
Le terme «politique» défini comme étant l’art de bien organiser la cité, est un concept perverti en Haïti vu l’usage qu’on en fait depuis toujours dans le pays. La politique, pour la plupart des Haïtiens, est perçue comme étant un mal nécessaire pour le pays. Certaines personnes croient qu’au moment même que quelqu’un s’immisce dans la politique en Haïti, il devient du même coup voleur et ne fera rien d’autre que voler s’il est parvenu à se hisser à un poste électif dans le pays. Ce qui veut dire pour eux, en d’autres termes, diriger c’est voler. Une fausse croyance parmi tant d’autres que beaucoup d’Haïtiens de toutes couches sociales partagent en commun.
Les gens de la population, les dirigés, et ceux qui en font l’exercice des pouvoirs publics dans le pays, les dirigeants, partagent tous cette vision de la politique. La politique en Haïti est définit comme l’ensemble des moyens qu’on utilise pour aboutir à une fin personnelle ou d’un petit groupe au détriment de la majorité.
En d’autres termes, faire de la politique en Haïti, c’est utiliser la ruse, la tromperie et d’autres moyens détournés pour s’enrichir incessamment au détriment de la population qui a fait de ces politiciens des élus. La politique en Haïti est un moyen et non une fin. Elle est un moyen puisque la totalité des gens qui veut en faire une profession l’utilise à l’unique but d’acquérir des fortunes pour leur bien-être personnel.
Par contre, une conception aristotélicienne de la politique aborde le concept différemment. Dans le texte « moral et politique  » d’Aristote, il conçoit la politique comme la science suprême, cette suprématie lui vient par le fait qu’elle vise le «bien commun».
Plus loin, la politique est conçue en effet comme un espace autonome où les décisions relèvent non de la volonté de tel ou tel dieu, mais de la responsabilité des hommes. Le fondement des règles de la communauté n’est pas cherché ailleurs que dans le débat public contradictoire, dans la discussion publique, dans l’échange d’arguments au sein des assemblées de citoyens.
Cette définition de la politique renvoie à une unicité recherchée dans la pluralité c’est-à -dire l’avis des citoyen est pris en charge dans les décisions politiques. Elle renvoie à ce que Julien Freund appelle une nécessité de la vie sociale et celui qui s’engage dans cette voie entend participer à la prise en charge du destin global d’une collectivité.
La représentation de la politique par les politiciens haïtiens
Les représentations sociales sont une forme de connaissance socialement élaboré et partagé ayant une visée pratique et concourante à la construction d’une réalité commune à un ensemble social.
Les politiciens haïtiens sont issus pour la plupart dans les quartiers pauvres du pays, ils sont des fils et des filles de paysans qui cherchent par tous les moyens de faire leur scolarité soit dans l’agriculture ou l’élevage malgré les difficultés de toutes sortes. Cependant, une fois élu ou nommé dans un poste en tant que sénateur, député, ministre etc pour servir la population, ils constituent une classe sociale qui s’est alliée à la classe dominante pour exploiter la masse populaire incluant la paysannerie dont appartient leur famille. Le politicien haïtien s’est perçu en chef entouré de cortèges munis d’armes de guerre, jouissant les frais et privilèges de la république, ayant une ou plusieurs maisons de luxe encerclées de grandes murailles et un arsenal de sécurité pour se protéger contre son ennemi, la population à laquelle il a des redevances sous forme de services.
En somme, la politique en Haïti est dotée d’une acception tout à fait péjorative dans la mesure où l’image que l’on fait des représentants de l’état qui devraient servir la collectivité est complètement minable. Pourtant la politique dans son sens propre renvoie à l’organisation de la cité, une organisation qui vise non l’individuel mais plutôt le collectif. Cette illusion du chef dans laquelle est pris le politicien haïtien ainsi que les gens de la population, est la pire des perceptions qui ruine le bien être populaire longtemps souhaité en Haïti.
Bibliographie
Aristote, morale et politique, presse universitaire de France, paris, 1961
Société québécoise de science politique, politique et société. Judiciarisation et pouvoir politique, VOL19, Nos 2-3, 2000
FREUND Julien, qu’ est ce que la politique, edition du seuil,1965
BERJOT Sophie, DELELIS Gerald, 27 grandes notions de la psychologie sociale, Dunod, France, 2014