Ce qui devrait susciter un «débat argumenté» entre les différents acteurs de toutes les classes du pays.
Depuis plusieurs mois, le président de la République d’Haïti, Jovenel Moïse, entreprend une campagne de sensibilisation sur la nécessité de changer la constitution en vigueur, la constitution de 1987 amendée. Selon lui, cette dernière est la source de tous les maux du pays.
Cependant, des partis de l’opposition demande au peuple haïtien de s’opposer à un tel projet. L’opposition politique qualifie la nouvelle constitution prônée par le président Jovenel Moïse de projet macabre qui ne sera, en aucun cas, bénéficique pour le pays.
Entretemps, le chef de l’état semble faire de ce projet son cheval de bataille en prônant en tout lieu une meilleure constitution qui devrait, par exemple, permettre à la diaspora Haïtienne de prendre une part plus active dans la vie économique du pays. Le président de la République renforce sa conviction à sensibiliser au maximum la population d’y prendre part à ce projet. Sur ce, un référendum constitutionnel est déjà fixé pour le 27 juin prochain. Un référendum qui devrait déterminer la position de tous les haïtiens sur la décision de changer ou pas la constitution en vigueur.
Tous les acteurs de la classe politique, économique, religieuse, culturelle, l’Université surtout, et autres, doivent s’intéresser vivement à ce sujet qui, bon gré mal gré, devrait susciter un «débat» en Haïti. Un débat argumenté ayant comme base les questions suivantes : La constitution de 1987 amendée constitue-t-elle vraiment un obstacle à la bonne marche du pays? Doit-on changer cette constitution ? Comment devrait être la constitution qui assurerait la bonne marche du pays si réellement il y en a une ?
L’avènement de la constitution du 29 mars 1987
Après 29 ans de dictature instauré par le régime des Duvalier (père et fils), le pays a connu une transition politique. On passe de la dictature à la démocratie. Cette transition politique a marqué le cri d’espoir du peuple haïtien (le 7 février 1986) dans la mesure où l’autoritarisme a été rompu pour lui céder la souveraineté. Pour consolider cette nouvelle forme politique, des personnalités notoires ont doté le pays d’une nouvelle constitution en date du 29 mars 1987 et depuis, elle est la loi mère en vigueur de tous les haïtiens. 24 ans plus tard, plus précisément, le 9 mai 2011, la constitution de 1987 à été amendée sous la présidence de Michel Joseph Martelly.
Entre une nouvelle constitution et l’ application de celle en vigueur
Le président de la République, Jovenel Moïse, semble, dans une certaine mesure, avoir raison lorsqu’ il identifie la constitution en vigueur comme étant la source d’instabilité d’ Haïti puisque de 1987 à nos jours le pays s’enfonce dans le chaos et c’est toujours la déception totale vu les espoirs qui ont été créées. Mais, est-ce vraiment la constitution qui constitue le problème du pays ou du moins son non application par les gouvernements qui se sont succédés?
La constitution actuelle prescrit les lois nécessaires pouvant harmoniser l’ordre des choses. Elle énonce les attributions des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire de manière à ce que l’un n’empiète pas sur l’autre. En plus, les droits fondamentaux des citoyens sont clairement énumérés dans ledit texte de lois, c’est le cas par exemple du chapitre II consacré aux droits fondamentaux des citoyens (droit à la vie, à la santé, à l’éducation, au logement etc.). Donc, le texte constitutionnel englobe l’ensemble des éléments nécessaires pour une harmonisation sociale.
Une nouvelle constitution en Haiti, qui en profite vraiment?
Qualifié de dictateur par l’opposition politique et des membres de la société civile, le président Jovenel Moïse montre une fois de plus sa détermination à poursuivre son chemin. Il a déjà présenté à la nation un projet de constitution.
En juin 2019, le nom du Président Jovenel Moise est mentionné dans un rapport de la Cour supérieure des comptes et du contentieux administratif (CSC\CA) dans des scandales de corruption. Il est indexé comme étant l’un des dilapidateurs des fonds Petrocaribe. Ce rapport du tribunal administratif du pays a incité les forces vives du pays à exiger la démission de Jovenel Moïse pour qu’il se présente devant la justice haïtienne. Malgré tout, le chef de l’État a fait la sourde oreille et depuis, il dispose d’un ensemble de moyens pour eviter d’être pris dans le collimateur de la justice et ce, même après son mandat. Parmi ces moyens, le changement de la constitution de 1987 amendée.
Dans la constitution 1987 amendée le président de la République peut être poursuivi par la haute cour de justice pour crime de haute trahison ou tout autre crime ou délit commis dans l’exercice de ses fonctions, comme indiqué dans le chapitre V (article 185 jusqu’ à 190). Par contre, dans la nouvelle constitution, le Président sera intouchable même après la fin de son mandat (article 139 de l’avant projet de constitution). De plus, la constitution de 1987 amendée ne permet pas au Président d’être à la fois chef de l’état et chef de gouvernement tandis que dans le nouveau texte constitutionnel, ces deux (2) charges seront allouées au seul Président de la République (art 133). Donc cette nouvelle constitution sera, sans doute, bénéfique pour le chef de l’état non pas pour le pays.
En conclusion, la constitution du 29 mars 1987 apparaît dans une période de tension politique majeure pour marquer le début d’une ère politique nouvelle. Elle confère au peuple le choix des dirigeants à travers les urnes. Mais, les gouvernements, de sa genèse à aujourd’hui, semble ne pas faire bon usage de ce texte. Ce dernier traite l’ensemble des attributions de l’état vis-à-vis de la population, le respect des droits,les limites de chaque pouvoir. Pourtant, malgré tout les droits et devoirs dictés par la loi mère, les droits du peuple haïtien continuent d’être piétinés. La souveraineté du peuple est vilipendé au profit d’un secteur des affaires maffieux, d’instances de la communauté internationale qui aspirent à des démarches complotistes visant à aiguiser au quotidien la souffrance du peuple haïtien. La lutte contre la corruption devrait être un combat de tous et pour tous. Elle ne devrait pas aboutir à l’adoption de lois favorisant la corruption dans de soi-disant projet devant aboutir à de nouvelle constitution.
Bibliographie
DORVILIER Fritz, l’amendement de la constitution de 1987.enjeux,limite et perspective, c3 édition
PIERRE LOUIS Luné Roc, la constitution haïtienne de 1987 est-elle un produit importé? Essai sur le folklorisme médiatique, l’Harmattan, 2018
Constitution de la république d’Haïti de 1987 amendée le 9 mai 2011, les éditions fardin, Août 2014