L’église est une institution religieuse et sociale. À côté de la famille et l’école , elle est l’une des principales institutions de socialisation de l’individu. Elle contribue dans la transmission des valeurs sociales, morales et religieuses et ce, par le biais des discours qu’elle véhicule. Cependant, l’église en Haïti, plus précisément, l’église protestante ne fonctionne pas toujours de cette manière.
Implanté en Haïti en juillet 1816 sous le gouvernement de Petion, le protestantisme a été représenté par deux missionnaires américain du nom de Grellot et John Hancock. Mais ces deux missionnaires avait laissé le pays sous pression du catholicisme qui existait depuis la colonisation.
Plus tard, soit en février 1817, une autre mission est arrivée en Haïti et trouve une fois de plus l’approbation du président Petion leur donnant garantie de professer librement leur foi conformément à l’article 49 de la constitution de l’époque qui énonce sur la liberté de culte dans le pays.
Pendant cette période, on a assisté à l’émergence de la première église méthodiste (protestante) dans la capitale, par la suite, d’autres missions et dénomination protestantes (Baptiste, pentecotiste) allaient se multiplier partout dans le pays.
Aujourd’hui, les discours véhiculés par l’église protestante en Haïti n’encourage pas les adhérents de ce secte à promouvoir leurs droits civils et politique. Au contraire, ces discours invitent les adeptes de l’église protestante à nier certains de leurs droits civils comme: le droit à la nourriture, le droit à un logement décent, le droit de manifester, le droit au travail, etc. Ils ne leurs permettent pas non plus de jouir pleinement leurs droits politiques à savoir: celui d’être candidat à un poste électif du pays et autres.
En résumé, pour un chrétien adhérant aux valeurs du protestantisme en Haïti, l’implication dans la politique active ne pourrait, en aucun cas, marcher de pair avec le devoir qu’à ce dernier de reconnaitre le Christ en tant que son seul sauveur personnel. En considérant ce état de fait, ne pourrait-on pas dire qu’il existe une divergence entre les discours véhiculés par l’église protestante en Haïti et la notion de citoyenneté que doivent appliquer chaque individu vivant dans une société?
L’église comme vecteurs de discours non citoyen
Si la notion de citoyenneté implique, sur le plan juridique, l’ensemble des droits et devoirs qui permettent à un individu d’être reconnu comme membre d’une société, il est tout aussi évident que le chrétien protestant est un citoyen. Ce dernier vit dans une société. Il est soumis aux lois du pays dans lequel il vit. Il a une responsabilité par le fait qu’il entretient des rapports à d’autres individus de la société. Peu importe les idéologies, les valeurs qu’il a adoptées, il doit toujours considérer son appartenance à une culture, un peuple, un état. Ce qui veut dire qu’il doit reconnaître ses droits et ses devoirs.
Le chrétien protestant en Haïti voit les choses d’une toute autre manière ou plutôt on lui invite à nier certains de ses droits et devoirs par des méthodes de persuasion. Les discours véhiculés par les chefs religieux au sein de la plupart des églises protestantes en Haïti développent chez le chrétien adhérent un sentiment d’irresponsabilité, une attitude défaitiste ou pire encore, un état d’esprit d’un optimisme excessif (tout va pour le mieux). L’effet que produit les discours véhiculés par les chefs religieux sur les chrétiens adhérents encouragent ces dernier à croire que tout dépend du Bon Dieu, que tout se fait à la gloire de Dieu et, par conséquent, il est préférable de ne rien faire pour ne pas entraver les projets de ce Dernier. Généralement, ce type d’adhérent ne vit simplement pour le salut de son âme.
A ce point de vue, les chrétiens protestants en Haïti, de manière générale, présentent bien ces caractéristiques. Dans quelle mesure le chrétien protestant en Haïti est-il touché par ce discours des chefs religieux qui va à l’encontre de la reconnaissance de ses droits civils et politiques?
Les problèmes récurrents de la vie en Haïti qu’ils soient socials, politiques, économiques, sécuritaires, etc, touchent tout le monde. Chaque haïtien vivant dans les quatre coins du pays est exposé aux innombrables dangers liés notamment à la sécurité d’une manière générale. Une grande partie de la population haïtienne est touchée par l’insécurité alimentaire. Des milliers de familles ne disposent pas de logements décents. Des milliers d’enfants qui n’ont pas la possibilité d’aller à l’école. Des problèmes qui résultent de l’absence de politiques publiques mais qu’on continue à faire croire aux chrétiens protestants qu’il s’agit du plan de Dieu plus précisément, des épreuves que doit traverser tout homme qui accepte le Christ comme son sauveur personnel.
Combien de chrétiens tombent sous les balles à cause de ce problème d’insécurité en Haïti? Combien d’autres aspirent à devenir universitaires et souffrent de ce manque d’université publique en Haïti? Combien d’entre eux meurent à cause du manque systématique de services hospitaliers? Autant de droits lésés, foulés aux pieds. Ce qui devrait soulever la colère de plus d’un et, pourtant, la réalité en est toute autre. Les discours qui vont à l’encontre des droits civils et politiques des membres des assemblées d’églises protestantes en Haïti exercent sur ces derniers une influence qui leurs invitent à mettre de côté toute idée de protestation, de lutte voire de révolution sociale.
Les autorités de l’église protestante en Haïti font croire aux adhérents à travers les messages qu’ils véhiculent que les manifestations des rues, les revendications populaires conformes à la constitution de 1987 amendée ne sont pas faites pour eux. Certains autorités de l’église protestante ont la conviction qu’un Vrai chrétien ne doit pas se présenter aux élections qu’elles soient nationales, départementales, communales, etc. Ils affirment que s’immiscer dans la politique en Haïti est un péché.
Par conséquent, les individus constituants les assemblées de l’église protestante en Haïti ne développent aucune forme de résistance face à ces discours qui porte atteinte au civisme. Si ces propos ne sont pas remis en question cela n’est que le résultat de l’evanouissement de la conscience individuelle de ces derniers sous pression de la foule. Cela veut dire que l’individu, une fois dans la foule, s’identifie à celle-ci et agit selon l’orientation de celle-ci. Les assemblées protestantes sont des foules psychologiques si l’on emprunte le terme de Gustave Lebon. Elles possèdent donc une âme collective.
Volonté individuelle du chrétien protestant et contrainte morale
Le chrétien protestant, une fois écarté de l’assemblée, peut agir différemment, penser différemment, jusqu’a transgresser les principes imposés par les autorites ecclésiales puisqu’il ne subit plus l’influence de la foule. Mais, une telle idée suscite en même temps, chez lui, une sorte de coercition. Le chrétien protestant qui essaie de prendre part aux pratiques allant à l’encontre des règles imposées par l’église à laquelle il appartient se sent coupable par le fait qu’il pense avoir violer les principes religieux établis.
Enfin, l’église protestante en haiti, en tant qu’institution religieuse et sociale, pèse lourdement dans la société haïtienne tant par leur nombre et mission. Malgré le service de réconfort spirituel qu’elle semble apporter dans le pays, elle ne joue pas pleinement un rôle important dans la formation de vrai citoyen haïtien. Des citoyens qui doivent être très conscients des problèmes sociaux, économiques, politiques et sécuritaires qui ruinent le pays. Des citoyens qui ont, à côté de leur foi en Dieu, une conviction sociale pour laquelle ils sont prêts à se battre. Cependant, l’institution protestante en Haïti peut, malgré tout, se redresser comme institution faisant promotion des valeurs citoyennes afin de mettre le pays sur la voie du progrès.
Bibliographie
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